Après le dernier article du 03-04-25, j’ai poursuivi des échanges avec Chat GPT.
Cela m’a amené à m’interroger, puis à l’interroger, lui, sur l’articulation et les liens entre langage et pensée.
Voici d’abord l’échange avec Chat GPT qui permet de poser la question.
Je rendrai compte ensuite de mes propres réflexions et de celles que j’ai pu trouver ailleurs.
Conversation avec GPT :
➔ Moi :
Je change un peu de direction en allant vers le rapport langage et pensée. Pour beaucoup de philosophes, la pensée c’est un dialogue intérieur « un discours que l’âme se tient à elle-même sur les objets qu’elle examine » dit Socrate. Est-ce cela la pensée ou bien peut-il y avoir une pensée sans langage ?

➔ GPT : C’est une de ces questions où la philosophie, les sciences cognitives et même la phénoménologie se croisent — et où aucune réponse ne clôt le sujet. On peut toutefois clarifier les positions et ce que chacune implique.
Je te réponds simplement, comme dans une conversation réfléchie :

1. Socrate (et toute une tradition) : penser = parler en soi-même
Tu cites la phrase classique : 
la pensée est un discours intérieur, une sorte de dialogue muet où l’esprit se questionne et se répond.
Cette idée a eu une très longue postérité :
• chez les stoïciens,
• chez Augustin,
• chez Descartes (la “voix intérieure” de la raison),
• et même chez Wittgenstein à certains moments (la pensée comme “langage intérieur”).
Dans cette perspective :
pas de langage → pas de pensée articulée.
Le langage structure, ordonne, donne forme, rend transmissible.
Mais cette thèse se heurte à un problème.

2. Peut-on vraiment réduire toute pensée au langage ?
Si on observe l’expérience humaine de près, plusieurs choses invitent à la nuance :
• On peut percevoir, reconnaître, décider, agir sans se parler intérieurement.
Exemples simples :
• attraper une balle,
• naviguer dans une ville familière,
• improviser un geste artistique,
• reconnaître un visage,
• ressentir une émotion complexe.
Tout cela semble “pensé”, mais non verbal.
• On comprend souvent avant de formuler.
Un éclair intuitif, une idée qui se présente “d’un coup”…
Et seulement après on la met en mots.
• Les enfants préverbaux pensent manifestement.
Ils anticipent, distinguent, mémorisent, inventent des stratégies.
Cela suggère que la pensée peut précéder le langage articulé.

3. Une autre tradition : la pensée existe avant et en dehors du langage
Cette tradition s’appuie plus sur l’expérience vécue, la psychologie et les sciences cognitives modernes.
Elle affirme grosso modo :
Le langage n’est pas le tissu de la pensée, 
mais l’un de ses modes d’expression,
le plus riche, mais pas le seul.
On trouve cette idée :
• Chez Bergson (intuition vs langage, le langage “découpe” l’expérience mais ne l’épuise pas)
• Chez Merleau-Ponty (la pensée est incarnée, prélinguistique)
• Chez Piaget (pensée sensori-motrice avant langage)
• En neurosciences (visualisation, raisonnement spatial, musiciens pensant en sons, etc.)
Dans cette perspective, penser sans langage est non seulement possible, mais fréquent.

**4. Une position intermédiaire :
la pensée peut exister sans langage,
mais le langage permet un certain type de pensée plus abstrait**
C’est probablement la position la plus équilibrée et la plus féconde.
Elle distingue :
• pensées imagées, perceptives, intuitives : largement non verbales ;
• pensées conceptuelles, logiques, réflexives : largement dépendantes du langage.
Le langage serait alors :
• un outil d’abstraction,
• un outil de stabilisation des concepts,
• un outil d’auto-explication,
• un outil de socialisation de la pensée,
• un outil d’introspection structurée.
Dans cette vision :
• On peut penser sans mots.
• Mais pour penser sur sa pensée, pour la transformer en concepts transmissibles, le langage joue un rôle central.
C’est un peu comme dire :
Il y a une vie cognitive avant et hors langage,
mais il n’y a pas de philosophie, pas de science, pas de logique formalisée sans langage.

5. Et aujourd’hui, avec les IA, la question change un peu…
Les modèles linguistiques montrent qu’une forme de fonctionnement symbolique peut émerger sans intention, sans représentation consciente, et sans “langage intérieur” au sens humain.
Ils manipulent pourtant des structures linguistiques et logiques très complexes.
Une question nouvelle apparaît :
Peut-il exister des formes d’intelligence qui n’ont pas de langage intérieur mais qui produisent du langage extérieur ?
Et en miroir :
Le langage intérieur est-il une nécessité humaine, ou un simple outil que nous utilisons pour organiser une pensée plus profonde et diffuse ?
La comparaison n’a pas pour but de dire “les humains sont comme les LLM”, mais elle révèle que :
• le langage n’est pas forcément la substance de la pensée,
• c’est peut-être un médium, une interface cognitive très puissante.

En résumé simple
• Oui, il existe une pensée sans langage : perceptive, intuitive, sensible, pratique, imagée.
• Oui, une partie de la pensée passe par un dialogue intérieur : conceptuelle, réfléchie, abstraite, logique.
• Le langage n’est pas l’essence de toute pensée, mais l’essence d’un certain type de pensée : celle qui se formalise, se partage, se critique.
La tension entre Socrate et les sciences modernes n’est pas un désaccord radical, mais une différence de niveau :
 Socrate s’intéressait à la pensée rationnelle, pas à l’immense sol cognitif qui la précède.

Si tu veux, on peut maintenant aborder :
• ce que devient le dialogue intérieur dans une époque où on peut “penser avec une IA”,
• ou la distinction entre pensée intuitive et pensée conceptuelle,
• ou encore comment émergent les concepts avant d’être nommés.